Les contraintes techniques et juridiques des constats sur des sites Internet


Avant propos


Internet est devenu omniprésent dans notre société. Beaucoup de contenus publiés sur Internet (image, photo, vidéo etc.) peuvent cependant porter atteinte à un tiers, à ses droits (droit à l’image, droits d’auteur, etc.). Ce dernier, s’il souhaite obtenir réparation de ces atteintes, en demandant par exemple des dommages et intérêts, va devoir attacher une grande importance à la validité des preuves qu’il va apporter. Ces preuves vont souvent prendre la forme de constats d’huissier.

Au fil des années, la jurisprudence est venue préciser les conditions techniques et juridiques d’opposabilité des constats.

Une réglementation sur l’aspect technique du constat


Si Internet facilite sans aucun doute l’huissier dans ses procédures d’investigations, la jurisprudence oblige l’huissier à respecter certaines règles techniques lorsqu’il effectue le constat d’un fait visible depuis Internet. Il est notamment indispensable :

  • que les constatations aient eu lieu en ligne (CA de Paris, 25 octobre 2006, n° 05/11524) ;
  • de décrire le matériel utilisé avec précision (TGI de Mulhouse, 7 février 2007, n° 05/00019) ;
  • de proscrire tout terme susceptible de mettre en doute l’objectivité de l’agent instrumentaire (TGI de Paris, 4 mars 2003, n° 00/16090) ;
  • de mentionner l’adresse IP, afin d’avoir la possibilité de la recouper avec les données de connexions fournies par l’hébergeur du site litigieux. (CA de Paris, 25 octobre 2006) ;
  • de vider les mémoires caches préalablement à la connexion, dans le but de s’assurer que les captures d’écrans ont bien été réalisées sur le site dans sa version la plus récente, chose nécessaire pour garantir la date et l’heure du constat ;
  • de vérifier préalablement à la connexion l’absence de connexion à un serveur PROXY (TGI de Paris, 4 mars 2003) ;
  • de préciser le type de connexion, le type de logiciel de navigation et de capture d’écrans ou de traçage des sites visités utilisés (TGI de Mulhouse, 7 février 2007) ;
  • Lorsque la date et l’heure sont constatées par le biais de moyens informatiques, de préciser la nature de ces derniers (TGI de Paris, 4 mars 2003) ;
  • S’assurer que l’ensemble des fichiers temporairement stockés sur l’ordinateur, l’ensemble des cookies, ainsi que l’historique, soient supprimés. (CA de Paris, 17 novembre 2006).

Le respect de l’ensemble de ces prescriptions techniques va permettre de garantir l’effectivité du constat.

Une règlementation sur l’aspect juridique du constat


Le constat sur Internet a donné naissance à différentes critiques sur le terrain de la loyauté de la preuve. En effet, les juges se doivent d’être attentifs à ce que l’une ou l’autre des parties ne s’approprie pas un avantage probatoire de façon déloyale ou par la fraude et ce en vertu du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable (garanti par l’article 6 de la CEDH).

Or, lorsque l’huissier consulte le site d’une entreprise, il le fait sans annoncer au préalable à l’éditeur du site qu’il s’apprête à le consulter. En effet, s’il consultait le site en s’annonçant à chaque fois de manière préalable, cela offrirait la possibilité à l’éditeur du site de retirer tout le contenu litigieux et donc de rendre toute preuve impossible.

De même, si un huissier ne peut se présenter sous un faux nom dans le but d'optimiser l’« effet de surprise », il peut, en ce qui concerne les sites Internet dont l’utilisation nécessite un compte membre (Facebook, Twitter, etc.), se connecter sur ces derniers via le compte d’un tiers (avec son autorisation) afin d’effectuer ses constatations.

Un juste équilibre entre la loyauté de la preuve et l’« effet de surprise » doit donc être trouvé.